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Une première cohorte a terminé sa formation

30 septembre 2023

Un article d’ULaval nouvelles

Du 21 au 25 août, 24 personnes se sont réunies au Mushuau-nipi, un site ancestral autochtone situé sur la rivière George, au cœur de la toundra, à 250 kilomètres au nord-est de Schefferville. C’est en ce lieu hautement symbolique que 18 hommes et femmes issus des premiers peuples, la plupart des étudiantes et des étudiants innus, ont reçu leur certification de l’Université Laval après avoir suivi la nouvelle formation de gardien.nes de territoire pendant les sessions d’hiver et d’été 2023.

«À l’intérieur d’une grande tente traditionnelle innue, les participants se sont vu remettre un médaillon perlé confectionné par l’aînée Doris Bossum de Mashteuiatsh et une écharpe de graduation de l’Université Laval réalisée par Kanessa Michel, qui est étudiante en design graphique», explique la professeure du Département de géographie et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en patrimoine et tourisme autochtones, Caroline Desbiens. «On avait donc deux symboliques: l’autochtone et l’universitaire, poursuit-elle. La cérémonie voulait reconnaître l’effort des jeunes participants, leur persévérance. Ce fut vraiment un grand moment pour tous.»

Ce programme a vu le jour grâce au partenariat signé en 2022 entre l’Université et la Fondation Mastercard. Cette collaboration se traduit par une contribution financière de 15 millions de dollars étalée sur cinq ans.

«Le programme a suscité un grand intérêt, il y a eu un réel engouement, affirme la professeure. L’information a beaucoup circulé dans les réseaux sociaux autochtones. On avait de très bons candidats représentant une assez belle diversité, notamment quatre étudiants déjà inscrits à différents programmes d’études à l’Université Laval.»

Des personnes aînées et des femmes

La certification Gardien.nes de territoire vise à former des agents de protection autochtones aptes à intervenir sur les terres, les eaux et les ressources de leur territoire ancestral. Il s’agit du tout premier programme francophone du genre au Canada. Cette initiative de l’Université Laval a nécessité la collaboration étroite de personnes aînées autochtones du Québec et de représentants du réseau canadien des gardiens autochtones du territoire.

La formation comprenait trois blocs de cours donnés à distance par visioconférence entre l’hiver et l’été. Chacun des blocs était suivi d’un séjour en territoire. Les participants ont reçu notamment une introduction à l’éthique de la terre. Ils ont aussi acquis des savoirs pratiques pour la protection du territoire, comme la cartographie ou encore la surveillance environnementale. Le premier séjour s’est déroulé au mois de mars au site innu Kanapeut dans le Nitanissan de Pessamit, sur la Côte-Nord. Le deuxième a eu lieu en mai au camp Mistawak, dans le territoire des Abitibiwinni de Pikogan (Eeyou Istchee Baie-James). Le troisième et dernier séjour s’est passé au Mushuau-nipi, pour la cérémonie de graduation.

La cohorte comprenait un nombre presque égal d’hommes et de femmes, avec une légère majorité pour celles-ci. Diverses personnes aînées ont accompagné les apprenants lors des séjours en territoire, y compris en août dernier au Mushuau-nipi. Les formateurs autochtones, eux-mêmes gardiens de territoire ou leaders, ont été favorisés. Les professeures Caroline Desbiens et Allison Bain, celle-ci du Département des sciences historiques, ont également participé aux enseignements à distance et en territoire.

La professeure Desbiens insiste sur le fait que la formation accorde la priorité aux savoirs et expertises autochtones, dont ceux des personnes aînées et des femmes. «La place des femmes dans les sociétés autochtones est fondamentale, soutient-elle. C’est le respect de la vie, l’égalité et le respect de toutes les formes de savoirs. La formation reconnaît le travail des mains des femmes au même titre que celui des hommes pour le maintien de la santé des territoires.»

Selon elle, on a souvent tendance à privilégier les connaissances des chasseurs de gros gibier, «la grosse chasse», ainsi que la foresterie. «Or, poursuit-elle, les cultures autochtones conçoivent que tout est interdépendant. Il faut donc considérer ce qui est plus micro: les plantes, la confection des objets du quotidien. Souvent, ces choses sont passées sous silence, même si elles sont le liant de la vie sociale. Elles représentent un apport transversal à l’équilibre de la communauté.»

Durant les séjours en territoire, l’activité traditionnelle du perlage a été au centre des rencontres. Les protocoles de respect des animaux ont également été enseignés.

Une vision ambitieuse

«La vision derrière le programme est ambitieuse, souligne la professeure. Grâce aux gardiens de territoire, les communautés autochtones pourront renforcer l’ancrage à leur cultures respectives, elles pourront créer davantage d’aires protégées et de conservation autochtones. La transmission des savoirs ainsi que les partenariats avec la société allochtone s’en trouveront renforcés.»

La certification universitaire est une formation de perfectionnement qui permet à l’apprenant de contribuer à l’avancement de ses savoirs et de sa carrière. Elle conduit à l’obtention d’unités d’éducation continue. En cela, elle est différente du certificat, qui est un programme crédité de premier cycle totalisant 30 crédits.

«Nous avons choisi le modèle de la certification, car nous voulions deux choses: pas de barrières à l’admission pour les personnes autochtones et une formation courte très adaptable aux exigences, aux priorités et aux besoins de leur milieu», explique-t-elle.

À terme, un programme plus développé pourra donner accès à des crédits universitaires. Les professeurs de l’Université Laval seront de plus en plus appelés à participer à la formation. «Dès l’an prochain, poursuit-elle, le programme, qui est présentement coordonné par la Faculté de foresterie, de géographie et de géomatique, sera appelé à s’élargir puisqu’il s’ouvrira à une nouvelle faculté. On prévoit y intégrer une nouvelle composante, l’archéologie. Le nom de la formation sera changé en celui de Gardien.nes du territoire afin d’adopter la terminologie du réseau canadien, qui a été lancé officiellement en décembre 2022.»

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